La guerre et la paix en poésie
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La guerre et la paix en poésie
Sonnet VI
A mes camarades de prison
Bruits lointains de la vie, divinités secrètes,
trompe d’auto, cris des enfants à la sortie,
carillon du salut à la veille des fêtes,
voiture aveugle se perdant à l’infini,
rumeurs cachées aux plis des épaisseurs muettes,
quels génies autres que l’infortune et la nuit,
auraient su me conduire à l’abîme où vous êtes ?
Et je touche à tâtons vos visages amis.
Pour mériter l’accueil d’aussi profonds mystères
je me suis dépouillé de toute ma lumière :
la lumière aussitôt se cueille dans vos voix.
Laissez-moi maintenant repasser la poterne
et remonter, portant ces reflets noirs en moi,
fleurs d’un ciel inversé, astres de ma caverne.
Jean Cassou (1897-1986)
In : « 33 Sonnets composés au secret » ( 1944).
A mes camarades de prison
Bruits lointains de la vie, divinités secrètes,
trompe d’auto, cris des enfants à la sortie,
carillon du salut à la veille des fêtes,
voiture aveugle se perdant à l’infini,
rumeurs cachées aux plis des épaisseurs muettes,
quels génies autres que l’infortune et la nuit,
auraient su me conduire à l’abîme où vous êtes ?
Et je touche à tâtons vos visages amis.
Pour mériter l’accueil d’aussi profonds mystères
je me suis dépouillé de toute ma lumière :
la lumière aussitôt se cueille dans vos voix.
Laissez-moi maintenant repasser la poterne
et remonter, portant ces reflets noirs en moi,
fleurs d’un ciel inversé, astres de ma caverne.
Jean Cassou (1897-1986)
In : « 33 Sonnets composés au secret » ( 1944).
Si je mourais là-bas
« Si je mourais là-bas… »
Si je mourais là-bas sur le front de l’armée
Tu pleurerais un jour ô Lou ma bien-aimée
Et puis mon souvenir s’éteindrait comme meurt
Un bel obus sur le front de l’armée
Un bel obus semblable aux mimosas en fleur
Et puis ce souvenir éclaté dans l’espace
Couvrirait de mon sang le monde tout entier
La mer les monts les vals et l’étoile qui passe
Les soleils merveilleux mûrissant dans l’espace
Comme font les fruits d’or autour de Baratier
Souvenir oublié vivant dans toutes choses
Je rougirais le bout de tes jolis seins roses
Je rougirais ta bouche et tes cheveux sanglants
Tu ne vieillirais point toutes ces belles choses
Rajeuniraient toujours pour leurs destins galants
Le fatal giclement de mon sang sur le monde
Donnerait au soleil plus de vive clarté
Aux fleurs plus de couleur plus de vitesse à l’onde
Un amour inouï descendrait sur le monde
L’amant serait plus fort dans ton corps écarté
Lou si je meurs là-bas souvenir qu’on oublie
– Souviens t’en quelquefois aux instants de folie
De jeunesse et d’amour et d’éclatante ardente ardeur –
Mon sang c’est la fontaine ardente du bonheur
Et sois la plus heureuse étant la plus jolie
O mon unique amour et ma grande folie
30 janv. 1915
Nîmes.
La nuit descend
On y pressent
Un long un long destin de sang
Guillaume Apollinaire (Wilhelm Apollinaris de Kostrowitski) (1880 -1918)
in « Poèmes à Lou » ( publié en 1947 sous le titre « Ombre de mon amour»)
Blessé d’un éclat d’obus en 1916, Guillaume Apollinaire est trépané et rentre à Paris où il reprend sa place dans la vie intellectuelle. En novembre 1918 il succombe à la grippe espagnole.
Si je mourais là-bas sur le front de l’armée
Tu pleurerais un jour ô Lou ma bien-aimée
Et puis mon souvenir s’éteindrait comme meurt
Un bel obus sur le front de l’armée
Un bel obus semblable aux mimosas en fleur
Et puis ce souvenir éclaté dans l’espace
Couvrirait de mon sang le monde tout entier
La mer les monts les vals et l’étoile qui passe
Les soleils merveilleux mûrissant dans l’espace
Comme font les fruits d’or autour de Baratier
Souvenir oublié vivant dans toutes choses
Je rougirais le bout de tes jolis seins roses
Je rougirais ta bouche et tes cheveux sanglants
Tu ne vieillirais point toutes ces belles choses
Rajeuniraient toujours pour leurs destins galants
Le fatal giclement de mon sang sur le monde
Donnerait au soleil plus de vive clarté
Aux fleurs plus de couleur plus de vitesse à l’onde
Un amour inouï descendrait sur le monde
L’amant serait plus fort dans ton corps écarté
Lou si je meurs là-bas souvenir qu’on oublie
– Souviens t’en quelquefois aux instants de folie
De jeunesse et d’amour et d’éclatante ardente ardeur –
Mon sang c’est la fontaine ardente du bonheur
Et sois la plus heureuse étant la plus jolie
O mon unique amour et ma grande folie
30 janv. 1915
Nîmes.
La nuit descend
On y pressent
Un long un long destin de sang
Guillaume Apollinaire (Wilhelm Apollinaris de Kostrowitski) (1880 -1918)
in « Poèmes à Lou » ( publié en 1947 sous le titre « Ombre de mon amour»)
Blessé d’un éclat d’obus en 1916, Guillaume Apollinaire est trépané et rentre à Paris où il reprend sa place dans la vie intellectuelle. En novembre 1918 il succombe à la grippe espagnole.
Re: La guerre et la paix en poésie
La Patrie aux soldats morts
Vous ne reverrez plus les monts, les bois, la terre,
Beaux yeux de mes soldats qui n’aviez que vingt ans
Et qui êtes tombés, en ce dernier printemps,
Où plus que jamais douce apparut la lumière.
On n’osait plus songer au réveil des champs d’or
Que l’aube revêtait de sa gloire irisée ;
La guerre occupait tout de sa sombre pensée
Quand au fond des hameaux on apprit votre mort.
Depuis votre départ, à l’angle de la glace,
Votre image attirait et les cœurs et les yeux,
Et nul ne s’asseyait sur l’escabeau boiteux
Où tous les soirs, près du foyer, vous preniez place.
Hélas ! où sont vos corps jeunes, puissants et fous,
Où, vos bras et vos mains et les gestes superbes
Qu’avec la grande faux vous faisiez dans les herbes ?
Hélas ! la nuit immense est descendue en vous.
Vos mères ont pleuré dans leur chaumière close ;
Vos amantes ont dit leur peine aux gens des bourgs ;
On a parlé de vous tristement, tous les jours,
Et puis un soir d’automne on parla d’autre chose.
Mais je ne veux pas, Moi, qu’on voile vos noms clairs.
Vous qui dormez là-bas dans un sol de bataille
Où s’enfoncent encor les blocs de la mitraille
Quand de nouveaux combats opposent leurs éclairs.
Je recueille en mon cœur votre gloire meurtrie,
Je renverse sur vous les feux de mes flambeaux
Et je monte la garde autour de vos tombeaux,
Moi qui suis l’avenir, parce que la Patrie.
Emile Verhaeren (1855 -1916)
Les Ailes rouges de la guerre (1916)
Vous ne reverrez plus les monts, les bois, la terre,
Beaux yeux de mes soldats qui n’aviez que vingt ans
Et qui êtes tombés, en ce dernier printemps,
Où plus que jamais douce apparut la lumière.
On n’osait plus songer au réveil des champs d’or
Que l’aube revêtait de sa gloire irisée ;
La guerre occupait tout de sa sombre pensée
Quand au fond des hameaux on apprit votre mort.
Depuis votre départ, à l’angle de la glace,
Votre image attirait et les cœurs et les yeux,
Et nul ne s’asseyait sur l’escabeau boiteux
Où tous les soirs, près du foyer, vous preniez place.
Hélas ! où sont vos corps jeunes, puissants et fous,
Où, vos bras et vos mains et les gestes superbes
Qu’avec la grande faux vous faisiez dans les herbes ?
Hélas ! la nuit immense est descendue en vous.
Vos mères ont pleuré dans leur chaumière close ;
Vos amantes ont dit leur peine aux gens des bourgs ;
On a parlé de vous tristement, tous les jours,
Et puis un soir d’automne on parla d’autre chose.
Mais je ne veux pas, Moi, qu’on voile vos noms clairs.
Vous qui dormez là-bas dans un sol de bataille
Où s’enfoncent encor les blocs de la mitraille
Quand de nouveaux combats opposent leurs éclairs.
Je recueille en mon cœur votre gloire meurtrie,
Je renverse sur vous les feux de mes flambeaux
Et je monte la garde autour de vos tombeaux,
Moi qui suis l’avenir, parce que la Patrie.
Emile Verhaeren (1855 -1916)
Les Ailes rouges de la guerre (1916)
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